~ Laides mamelles rue Ravignan (2)

[1] - Dès ce cri, scions ! (Hèle et que t'hurles) :
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Une image presque carrée (un pré carré, en somme, mais précaire).
 
La scène est celle du "bordel de la rue d'Avinyo", qui est le titre original du tableau. Il s'assagit d'une rue pas sage de Barcelone. La ruche ode de la quant-à lorgne (sur son quant-à-soi). 
 
A gauche, une femme "carry a tide" (traduction approximative : porte-marée, ou porte-courant, ou porte-vague... éventuellement (rare) porte-chance), soulève le rideau brun, lourd. Figure de l'agresse antique, ou peut-être même de l'Egypte effare à ionique. De profil, cette fille pro profile le reste de lasse haine.
 
Au centre, ce sont d'abord les quatre yeux des deux moises qui charpentent cette party de l'image (1 et 2). Hypnotiques. A elles deux, elles sont comme six reines ! 
 
Exhibant leur cornue, les bras bien haut derrière la tête, pour que ne retombent pas les mam'elles, elles posent comme des corps décorés des korês. Tradition de la pose. Classicisme du drapé un peu dérapé. Le regard les caresse du haut en bas, lentement mais hurlement. Jusqu'à découvrir, à leurs pieds, la nature morte. Une grappe de raisins, une poire, une pomme, et une étrange de melon (3).

L'âpre aisance de ces fruits demande, ici, un arrêt de l'âne à ration, pour une petite part en thèse très haut risque :

(Parente aise : les natures mortes de vanité) : La tradition du nu, en pain dur, veut que la jeunesse et la beauté soient toujours accompagnées d'un symbole de leur caractère éphémère (c'est d'ailleurs souvent ce qu'on appelle "l'effet mère", surtout quand on rencontre ensemble l'amère et la fille, n'est-ce pas ?). Souvent, c'est un bouquet de fleurs qui fait l'affaire, à l'instar du "Mignonne allons voir..." de Ronsard, pour dire que la beauté ne dure que le temps d'éros. Lorsque la dame, quoique toujours belle, n'est plus dans l'affleure de l'âge, on préfère placer des fruits, dont la maturité, et même souvent la peau déjà lourdement ridée, est comme un avertissement du même phénomène qui attend bientôt l'encore belle (qu'on encorbelle de guirlandes florales en attendant). Vain, vanité signifient "vide". C'est ce vide de l'orgueil de la beauté qui est signifié ici. "La peinture est une chose mentale", nous dit Léon'Art (un devin, si !), et elle est souvent très morale. Notre artiste, aussi moderne soit-il, veut avant tout rester dans la tradition du discours et des thèmes picturaux. Il ne déroge donc pas, et, au pied du nu, place la natte dure, morte.
 
Mais notre Pic est un plasticien avant tout, et il n'installe pas n'importe où sa coupe de fruits. Au pied du groupe de gauche, elle vient offrir un terme à la grande bande bleue qui, de haut en bas, comme une cascade, ou un fleuve à traverser, sépare les deux groupes de filles C'est la tranche de melon qui joue ce rôle, comme une tranche de vie. Tendue comme une virgule, elle semble réceptionner le regard vertical du spectateur (décrit précédemment), et lui redonner l'élan nécessaire pour remonter vers la droite de l'image, dans l'espace des deux autres corps.
 
Et vu l'état des corps en question, cet élan est plus que nécessaire ! Car ce qui suit n'est pas vraiment beau (ni bateau) l'à voir...
 
C'est d'abord une femme accroupie, de dos. Mais voyant comme elle le regarde, un doute assaille le spectateur : ne serait-elle pas finalement de face ? Ce doute est désagréable car c'est celui qui peut transformer le spectateur d'une exhibition encore légèrement pudique en voyeur d'une provocation sexuelle. Quoi qu'il en soit, la pose de cette femme n'en est plus une, c'est devenu une "position", et cette dernière est proprement obscène (si un tel oxymore est possible !).
 
Au dessus de cette sorte de monstre au masque (peut-être, finalement) porté sur la nuque et non sur le visage, le rideau s'ouvre, comme pour proposer une issue à ce cette remontée (peu triomphante) du regard. Mais foin d'issue ! Le passage, d'obscène, devient obstrué. Un dernier monstre fait mine, hein, de pure et simple dévoration ! Plus animale qu'humaine derrière ce masque, cette femme est un loup pour l'homme. Et le voyage du regard sur l'oeuvre se termine au fond de la nuit de son oeil aveugle.

[
... >> Proche et ne ment : "Jeune aise du tableau : 1 - Conteste perd son aile et ratisse tics"]
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